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Le mensonge en droit pénal des affaires, Soufian Nouali | justice maroc

 Soufian Nouali 
étudiant chercheur en droit, titulaire d’un Master en « Droit et Contentieux des Affaires » à l’Université Mohammed Premier Oujda
justice maroc
Introduction
Le droit emploie rarement le mot « mensonge ». En droit civil, le mensonge s’inscrit dans un ensemble dont les notions de fraude et de dol sont le centre : « La fraude suppose une mauvaise foi caractérisée, une tromperie, une ruse employée par le débiteur pour se soustraire à ses obligations[1] ». La fraude est donc bien un mensonge. De même, au sens de l’art. 52[2] du D.O.C[3], le dol est une manœuvre, une réticence employée par une personne pour tromper une autre afin de l’amener à conclure un contrat. Les notions de fraude et de dol contiennent l’une et l’autre le mensonge. En l’absence de définition juridique précise, le mensonge incriminé doit avoir un but précis, tel qu’une atteinte à une valeur sociale. La loi puni ce mensonge toutes les fois qu’il porte atteinte aux biens et droits d’autrui.
En droit pénal, branche juridique autonome, le champ est très large, même si l’on observe que, ni le législateur marocain ni son homologue français n’ont utilisé le mot « mensonge » d’une manière claire et précise, puisqu’ils ont opté plutôt pour le mot « tromper » afin de qualifier – via l’escroquerie – l’acte perpétré par l’agent : « l’escroc ». À l’instar de tout agissement prohibé par la loi pénale, le mensonge est sanctionné dans le respect des principes généraux du droit pénal. Le législateur n’incrimine pas toujours le mensonge sous cette appellation. Il décrit le comportement punissable sans utiliser le terme de mensonge et sans en apporter une définition précise. L’absence de définition juridique du mensonge, est source de difficultés et suscite des interrogations[4]. La définition revêt une importance majeure pour la constitution de nombreuses infractions mensongères[5]. Alors on doit tenir pour un mensonge non seulement ce qui est qualifié comme tel par la loi pénale, mais aussi, toute tromperie, toute fraude, toute déloyauté destinée à tromper. Ainsi l’escroquerie, l’émission de chèque sans provision, le faux en écriture, le faux témoignage, le faux serment, le faux monnayage, la contrefaçon des marques, l’usurpation de titre de fonction…etc. Ainsi déterminée, la notion de mensonge punissable permet de mieux apprécier la criminalité dont elle relève, criminalité d’astuce et de ruse[6]. Le mensonge s’entend donc de toute conduite trompeuse.
De ce fait, et dans son acception courante, le terme « mensonge » désigne une contre-vérité, réalisée intentionnellement, avec pour but de dissimuler la vérité. L’analyse des définitions permet d’affirmer que le mensonge peut être défini davantage comme une contre-réalité, qu’une contre-vérité. Dans sa thèse, M. Yves MAYAUD écrit que : « mentir consiste moins à heurter la vérité, qu’à ébranler un rapport entre une valeur tenue pour vraie – peu importe en définitive qu’elle soit conforme ou non à la réalité – et la connaissance que l’on a[7] ». La contre-réalité : « suppose que l’auteur a connaissance de la fausseté mais poursuit on action et réalise le fait mensonger punissable. Cette définition contient l’élément matériel et l’élément intentionnel du mensonge[8] ».
L’étude des infractions consommées par le mensonge, démontre que le droit pénal des affaires, sanctionne le mensonge dans de nombreuses circonstances. La matière pénale accorde un rôle accru au mensonge en suscitant un intérêt justifié. Le mensonge punissable génère une problématique renouvelée, qui se traduit par l’assimilation du simple mensonge non réprimé pénalement et celui frauduleux.
La problématique centrale qui se pose est notamment de savoir si toute énonciation mensongère constitue une manœuvre frauduleuse ou un acte punissable, et en vue de quelle finalité ?.
Il conviendra alors, dans un premier temps de déterminer la forme élaborée du mensonge concrétisé par les manœuvres frauduleuses (I), afin d’analyser dans un second, l’assimilation du simple mensonge aux manœuvres frauduleuses (II).
  
I.                  La forme élaborée du mensonge : les manœuvres frauduleuses

Pour convaincre autrui, plus ou moins crédule, l’escroc a recours à une machination pouvant entrer dans la notion de manœuvres frauduleuses que la loi n’a pas définie. En l’absence de définition légale, la jurisprudence a dégagé les caractères essentiels et les procédés principaux de ces manœuvres.
À la lecture des définitions apportées par la doctrine et par la jurisprudence, il ressort que, la constitution des manœuvres frauduleuses exige un mensonge initial (A), auquel s’ajoutent un acte extérieur corroborant le mensonge initial (B). Ce sont les traits invariables des manœuvres frauduleuses en droit pénal des affaires.
A.   Exigence d’un mensonge initial
Il est très difficile de trouver une définition légale aux manœuvres frauduleuses, puisque le législateur n’a rien apporté sur ce concept très important dans la constitution de plusieurs infractions. Une manœuvre frauduleuse se constituent par un ou plusieurs actes matériels, qui prend d’une façon artificielle pour vraie une affirmation, présentation, qui est en réalité mensongère. La manœuvre suppose le rattachement au mensonge, d’un acte extérieur de nature à lui donner force et crédit. Ainsi, le fait pour un masseur Kinésithérapeute d’appliquer une cotation supérieur à celle fixée par la nomenclature (application d’un coefficient supérieur à celui correspondant aux actes prescrits) ne peut pas constituer une escroquerie, mais il s’agit d’un simple mensonge écrit non corroboré par un acte extérieur de nature à lui donner force et crédit[9].
Les manœuvres frauduleuses sont constituées par des actes multiples concourant à l’obtention de la chose convoitée. Elles se basent principalement sur la tromperie afin de soustraire le consentement ou d’obtenir un bien. Les manœuvres ne sont pas définis dans le Code pénal, cette définition a été apportée par la jurisprudence.
Le Code pénal marocain n’apporte pas de précision quant au mensonge initial et sa différentiation par rapport au mensonge secondaire, qualifié d’acte extérieur. La jurisprudence française quant à elle, considère que le mensonge initial est insuffisant à constituer les manœuvres frauduleuses. C’est le cas notamment : « […] des attestations sur l'honneur mensongères, par lesquelles un assuré social certifie ne pas avoir repris son activité professionnelle, ne sont susceptibles de constituer des manœuvres frauduleuses que si elles sont corroborées par des certificats médicaux émanant de médecins abusés ou trompés par le patient auteur des déclarations[10] […] ».
Selon la jurisprudence, le simple mensonge même s’il ne peut constituer l’élément matériel du délit d’escroquerie, mais il peut constituer l’élément de base des manœuvres frauduleuses. Elle a jugé maintes fois que le simple mensonge ou un mensonge banal ne suffit pas à réaliser une infraction, par ce qu’elle demande à ce que la personne soit avisée et avertit et ne doit pas se laisser faire par de simple allégation mensongère sans vérifier leur véracité[11]. Aussi le fait de la présentation d'un faux document pour obtenir la remise de fonds constitue une manœuvre frauduleuse, et non pas un simple mensonge[12].
Le législateur marocain a mentionné d’une manière claire, dans l’art. 540 du Code pénal : « quiconque en vue de se procurer […] par des affirmations fallacieuses […] ». À cet effet nous pouvons constater que le simple mensonge en droit marocain ne peut constituer à lui seul des manœuvres frauduleuses, sauf le cas où il est corroboré par des actes extérieurs pouvant conduire à faire convaincre la victime de croire aux affirmations de l’escroc. Comme par exemple, quelqu’un qui fait croire à la victime qu’il négociera avec la douane en vue de concilier la victime avec celle-ci, en se passant par quelqu’un qui a des connaissances, et lui offrant un document falsifié contenant la renonciation par l’administration de la poursuite en contrepartie d’une somme d’argent[13].
La Cour suprême égyptienne a considéré dans un arrêt de 1984 que les simples paroles et affirmations mensongères, ne peuvent constituer des manœuvres frauduleuses, mais elles doivent être corroborées par des actes matériaux ou extérieurs pouvant conduire la victime à croire les faits apportés par l’agent[14].  
Les manœuvres frauduleuses, contiennent tous mensonges corroborés par des actes extérieurs, qui a pour but de faire tromper la victime, qui en croyant l’escroc, il lui donne son argent. Le simple mensonge ne peut constituer à lui seul les manœuvres frauduleuses, et si une personne donne son argent suite à ce mensonge, il sera victime de son inattention, et son manque d’expérience, et non pas une victime d’escroquerie punissable pénalement. Les actes extérieurs qui donnent force et crédit au mensonge, et qui constituent des manœuvres, sont multiples, et se varient quant au pouvoir de persuasion des dires de l’escroc[15].
B.    Exigence d’acte extérieur corroborant le mensonge initial
La caractérisation des manœuvres frauduleuses nécessite un fait extérieur voire externe constitué d’une mise en scène, la production d’un écrit, ou par l’intervention d’un tiers, donnant par la suite force et crédit aux mensonges perpétrés par l’auteur des manœuvres. Selon MM. les Professeurs Adolphe CHAUVEAU et Faustin HELIE : « cette expression suppose une certaine combinaison de faits, une machination préparée avec plus ou moins d'adresse, une ruse ourdie avec plus ou moins d'art[16] ».
La mise en scène est définie généralement comme une : « manière affectée de présenter, d'organiser quelque chose pour éblouir, pour tromper ou pour obtenir quelque avantage[17] ».
Selon la jurisprudence, la mise en scène peut être simple ou complexe. Ainsi quand l’agent fait signer par la victime un contrat, après avoir dissimulé une clause comportant l’obligation pour l’acquéreur de payer la plus grande partie du prix comptant, contrairement à la promesse qui lui avait donnée de le faire bénéficier d’un long crédit pour la totalité[18]. La jurisprudence a également vu une mise en scène dans le fait, de déclarer faussement le vol d'une voiture automobile au commissariat de police, après l'immersion volontaire de ce véhicule dans une gravière, pour obtenir par ce moyen le remboursement de sa valeur par la compagnie d'assurances[19].
Concernant la production d’un écrit, ou bien manœuvres frauduleuses par document, l’escroc a souvent recours à cette manœuvre pour renforcer la véracité des allégations mensongères initiales. Comme il a été précédemment indiqué, le seul mensonge, même écrit, est insuffisant pour caractériser les manœuvres frauduleuses. C’est qu’en effet, il est très important de distinguer ici entre le simple mensonge et les documents ou pièces qui constituent des actes extérieurs, destinés à lui donner force et crédit. Le mensonge oral ou écrit, se trouve alors conforté par d’autres écrits, qui viennent le confirmer, en le rendant plus convaincant[20].
Pour retenir l’existence d’un élément extérieur en plus du mensonge, occasionnant dès lors la constitution de l’escroquerie, les juges s’attachent essentiellement à l’intention de l’auteur, bien plus qu’à la valeur probante de l’élément extérieur : pour qu’il y ait manœuvre frauduleuse, l’élément extérieur doit être indépendant du mensonge. S’il n’est que la reproduction du mensonge, il n’apporte rien de nouveau et ne peut constituer une manœuvre.
Concernant enfin l’intervention d’un tiers, et selon l’excellente formule de GARRAUD, « l’intervention d’une personne autre que l’auteur même des mensonges, venant par ses actes, ses paroles, ses écrits, parfois par sa seule présence, ou par les actes, les paroles, les écrits que lui prête l’agent, rendre vraisemblables ces mensonges, suffit à les transformer en manœuvres frauduleuses[21] ».
Le tiers peut ne pas être réel intervenant effectivement aux côtés du coupable, comme par exemple, l’employé d’un garagiste présenté comme le propriétaire d’une voiture à vendre. Mais aussi une personne fictive créée par l’imagination de l’escroc, comme une société de façade ou encore un pseudo-candidat au mariage, ou aussi des adversaires inventés de toutes pièces dans un procès relatif à une succession. Encore faut-il que ce tiers fictif ait une suffisante apparence de réalité pour qu’il ait pu exercer une influence sur l’esprit de la victime[22].

II.               L’assimilation du simple mensonge aux manœuvres frauduleuses
La question relative à la qualification des manœuvres frauduleuses, et extrêmement complexe. La frontière entre le simple mensonge et la véritable manœuvre frauduleuse s’avère être très mince, ce qui ne manque pas de susciter certaines interrogations.
D’une manière générale, la doctrine et la jurisprudence, sont trop exigeantes sur la caractérisation des manœuvres frauduleuses. Il convient alors d’étudier les décisions jurisprudentielles, afin de relever les caractéristiques du simple mensonge assimilé aux manœuvres frauduleuses (A). Ensuite, par l’analyse des conséquences de ladite assimilation (B).
A.   Les caractéristiques du simple mensonge assimilé aux manœuvres frauduleuses
Les manœuvres frauduleuses par production de document sont un moyen couramment utilisé en pratique. Mais toute la difficulté consiste à faire la différence entre un mensonge écrit, un simple mensonge, et la production d’un écrit qui tombera sous cette qualification. Ainsi, une facture majorée n’est qu’un mensonge écrit, éventuellement un faux mais en aucun cas une escroquerie, alors qu’un écrit truqué peut être considéré comme l’élément matériel de l’escroquerie, alors une manœuvre frauduleuse. Le fait pour un commerçant par exemple, de truquer ses livres de commerce afin de vendre ses fonds plus cher est une manœuvre frauduleuse.
La jurisprudence ne prend pas normalement en compte le simple mensonge écrit, car c’est seulement un moyen d’expression. Si je mens dans une lettre, ça n’aura pas d’importance pour la bonne raison que la lettre, l’écrit, est un moyen d’expression. Mais la jurisprudence considère qu’il y a quelques documents qui confèrent au mensonge écrit « force et crédit ». Par conséquent, il suffit de mentir dans ce document, et il faut que la victime ait été déterminée par ce mensonge. Il suffit ainsi que l’on mette un mensonge dans un acte authentique, un document ayant force et crédit, un bilan par exemple, une publicité officielle, à ce moment-là, le mensonge acquiert la qualité de ce document.
Ainsi, il a été jugé que la présentation de faux documents, assimilable à un simple mensonge écrit, constitue une manœuvre frauduleuse dès lors qu’elle est associée à l’intervention de tiers de nature à leur donner force et crédit[23]. La Cour ici a lié la qualification des fausses factures avec l’intervention d’un tiers, afin d’assimiler le simple mensonge à des manœuvres frauduleuses. Les juges retiennent facilement l’escroquerie lors de la production d’un document officiel, comme la remise d’un certificat d’immatriculation provisoire, pour déterminer un achat, lorsqu’elle a pour objet de tromper l’acheteur[24]. Aussi lorsque les écrit émanent de l’utilisation d’un procédé électronique de calcul et de gestion leur donnant force et crédit[25]. Ou la production d’un faux bilan[26].
Il en va autrement lorsque, la Cour de cassation indique qu’il n’est pas nécessaire afin de qualifier les manœuvres frauduleuses, que la facture constitue un faux en écriture, car elle a considéré que l’appréciation de l’élément intentionnel en matière d’escroquerie, rentre exclusivement dans les attributions des juges du fond[27].
B.    Les conséquences du simple mensonge assimilé aux manœuvres frauduleuses
Les manœuvres frauduleuses et les manœuvres dolosives sont pas loin les unes des autres, et sont séparées par une frontière. La grande différence qui sépare les deux notions à savoir, le simple mensonge qui est sanctionné en matière civile même non corroboré par des actes extérieurs. Cependant les manœuvres frauduleuses et celles dolosives sont similaire, puisque la notion de manœuvre frauduleuse suppose une action positive destinée à abuser le cocontractant. L’analyse de la jurisprudence nous démontre le dépassement d’une différence entre les manœuvres frauduleuses et les manœuvres dolosives.
Le dol emprunté du latin classique « dolus », signifie à la fois ruse, fraude ou bien tromperie. Le dol est défini dans l’art. 52 du D.O.C comme des manœuvres ou des réticences qui tendent à tromper l’autre partie afin de la pousser à contracter. Le législateur ici n’a pas démontré la nature des manœuvres utilisées ? S’agit-il des manœuvres frauduleuses ou dolosives ? La jurisprudence française reconnaît les deux notions pour caractériser un dol constitué au sein des sociétés commerciales. Pour retenir le dol, le Tribunal devrait constater l’intention dolosive qui se caractérise par la mise en œuvre de manœuvres frauduleuses destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du cocontractant[28]. Même si les manœuvres dolosives peuvent résulter d’un simple mensonge, la jurisprudence ici a utilisé les manœuvres frauduleuses pour caractériser le dol en matière de droit des affaires. Dans le droit des sociétés, le dol peut viser un souscripteur d’actions. La nullité de la souscription doit être demandée par l’actionnaire qui a subi les manœuvres dolosives. Pour constituer ensuite une cause de nullité de souscription.
La spécificité du dol repose dans sa double composition puisqu’il est à la fois une sanction de l’acte cause de nullité et une sanction des comportements constitutifs d’un délit civil. Dès lors qu’une manœuvre frauduleuse, un mensonge ou une réticence est caractérisé, accompagné d’une intention de tromper entrainant une erreur déterminante dans l’esprit du cocontractant, le dol est irrémédiablement retenue permettant d’obtenir au choix l’annulation de la convention ou l’obtention de dommages et intérêts. En matière pénale, le dol implique la conscience de l’accomplissement de l’acte prohibé, et la volonté de le commettre. Dès que cette volonté consciente est prouvée, la faute pénale existe et suffit. Le dol pénal est une espèce d’escroquerie grâce à laquelle une personne obtient d’une autre par le jeu d’une supercherie la remise d’une chose mobilière. Deux infractions pénales peuvent revêtir la forme du dol à savoir, le délit de faux. La première, constitue un faux la fabrication de documents comptables d’une société, tels qu’un bilan ou un compte de résultat[29], ou encore la fabrication de fausses factures, au nom d’une entreprise de pure façade ou d’une société fictive, objet d’une cession, gonflant indirectement le résultat[30]. Ainsi, d’une manière plus générale, les actes de falsification d’ordre comptable constituent des faux, dans la mesure où la comptabilité d’une société commerciale est destinée à servir de preuve[31]. La deuxième infraction pénale envisageable, le délit de présentation ou de publication de bilan inexact qui n’a vocation à s’appliquer qu’à l’ensemble des cessions de titres de sociétés à engagement social limité. Le dol pénal peut s’avérer être un précieux atout processuel. En effet, dès l’instant où les cédants seront condamnés au pénal pour délit d’escroquerie, le dol civil sera caractérisé, comme cela est fréquemment jugé : le dol pénal permet ainsi de faciliter l’administration de la preuve du dol civil[32].
En principe, et d’après la jurisprudence française, les manœuvres frauduleuses ne peuvent être constituées ni par la simple abstention, ni par le simple mensonge, contrairement aux manœuvres dolosives d’où le simple mensonge est punissable. Cependant, ce principe est remis en cause par les décisions qui prévoient la possibilité – dans certains cas – de sanctionner le simple mensonge dans le cadre du délit d’escroquerie, ce qui peut affaiblir la différence voire la frontière qui sépare les manœuvres frauduleuses et les manœuvres dolosives (dol civil). Cela peut engendrer par la suite, une sorte d’analogie dans la sanction du mensonge dans les deux branches du droit. 

Conclusion
Depuis fort longtemps, le dispositif juridique pénal accorde une place considérable au mensonge. Le mensonge est une notion intégrée dans le droit pénal, qui lui attribue une définition large. Par la jurisprudence étudiée, nous avons constaté qu’elle a contribué à faire progresser le droit pénal du mensonge par la qualification des faits, ainsi que les éléments qui composent les infractions de nature mensongère. Tout en respectant les textes aux situations criminelles.
En droit pénal des affaires, le mensonge constitue la base de nombreuses infractions. Le mensonge se déguise sous plusieurs formes constitutives desdites infractions, que le comportement soit désigné sous le terme mensonge ou que les agissements entre dans sa définition. Dans le cadre de cette recherche, la question initiale était de savoir si le mensonge était sanctionné en tant que tel, dans sa forme la plus simple. Il nous a paru difficile d’apporter une réponse simple à cette question. Dans sa thèse prééminente et marquante de la matière portant sur le mensonge en droit pénal, M. le Professeur Yves MAYAUD avait conclu ses recherches en indiquant que « tout mensonge n’est pas incriminé en droit pénal[33] ».
À l’origine, le mensonge sanctionné par le droit pénal est celui qui porte atteinte aux valeurs sociales protégées et qui génèrent un résultat prohibé. À la suite des évolutions législatives et jurisprudentielles, nous observons que le législateur marocain ne suit pas ladite évolution, ça se voit d’une façon claire lors de la lecture des textes d’incriminations, par exemple le cas de faux en écriture privées. Le législateur ne fait pas allusion à l’altération de la vérité, pourtant, il l’a mentionné dans l’article concernant les écritures authentiques, qui ne font pas l’objet de notre étude. Il a utilisé deux renvois dans les articles 357 et 358 du Code pénal, lors de la qualification des faits concernant le délit de faux situé dans l’art. 354[34].  Cela pose des difficultés lors de l’interprétation du délit, pour ensuite caractériser les éléments constitutifs.



Bibliographie

Ouvrages

·        EL ALAMI Abdelouahed, « Explication du code pénal marocain : section spéciale », 2ème éd., Annajah el jadida, Casablanca, 2013, 493 p.

·        EL KHAMLICHI Ahmed, « Le droit pénal spécial », 2ème éd., Al maarif, Rabat, 1984, 424 p.

·        MAJDI HARJA Mostapha, « Les crimes de l’escroquerie l’abus de confiance », Tom II, Caire, 1990, 284 p.

·        ROBERT Jacques-Henri ; MATSOPOULOU Haritini, « Traité de droit pénal des affaires », 1ère éd., PUF, Paris, 2004, 620 p.

·        VITU André, « Traité de droit pénal spécial », Tom II, Cujas, Paris, 1982.


Thèses

·        COMERT Alev, « Les infractions consommées par le mensonge », Th. en droit privé et sciences criminelles, Univ de Lorraine, 14 décembre 2015.

·        MAYAUD Yves, « Le mensonge en droit pénal », Th. en droit pénal et criminel, Hermès, Lyon, 1979.


Lois


·        Dahir du 9 ramadan 1331 (12 aout 1913) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12 septembre 1913).

·        Dahir n° 1-59-413 du 28 joumada II 1382 (26 novembre 1962) portant approbation du texte du code pénal, B.O. n° 2640 bis du 05/06/2013, p. 843.
·         Code pénal français, www.legifrance.gouv.fr

Jurisprudence
·        Cass. Crim. 28 juin 2017, pourvoi n° : 16-81110.
·        Cass. Crim. 8 décembre 2015, pourvoi n° : 14-85511.
·        Cass. Crim. 25 mars 2014, pourvoi n° : 13-13268.
·        Cass. Crim. 26 mai 2009, pourvoi n° : 08-15980.
·        Cass. Crim. 24 septembre 1998, pourvoi n° : 97-81748.
·        Cass. Crim. 16 novembre 1995, pourvoi n° : 94-84725.
·        Cass. Crim. 13 mai 1991, pourvoi n° : 90-83520.
·        Cass. Crim. 11 octobre 1989, pourvoi n° : 87-83664.
·        Cass. Crim. 13 octobre 1987, pourvoi n° : 85-94605.
·        Cass. Crim. 3 juin 1985, pourvoi n° : 83-95073.
·        Cass. Crim. 24 avril 1984, pourvoi n° : 83-90752.
·        Cass. Crim. 22 mars 1978, pourvoi n° : 77-92627.
·        Cass. Crim. 16 mars 1976, pourvoi n° : 75-90306.
·        Cass. Crim. 16 mars 1970, pourvoi n° : 68-90226.
·        Cass. Crim. 18 juillet 1968, pourvoi n° : 67-91361.


[1] Yves MAYAUD, Le mensonge en droit pénal, Th. en droit pénal et criminel, éd. L’hermès, Lyon, 1979, p. 18.
[2] Art. 52 du DOC : « Le dol donne ouverture à la rescision, lorsque les manœuvres ou les réticences de l'une des parties, de celui qui la représente ou qui est de complicité avec elles, sont de telle nature que, sans ces manœuvres ou ces réticences, l’autre partie n’aurait pas contracté. Le dol pratiqué par un tiers a le même effet, lorsque la partie qui en profite en avait connaissance ».
[3] Dahir du 9 ramadan 1331 (12 aout 1913) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12 septembre 1913).
[4] Alev COMERT, Les infractions consommées par le mensonge, Th. de droit privé et science criminelle présentée et soutenue publiquement en date du 14 décembre 2015, Univ. de Lorraine, p. 10.
[5]L’expression « infraction mensongère » a été utilisée par M. le P. André Decocq dans la préface de la Th. de M. le P. Y. Mayaud.
[6] Yves MAYAUD, op. cit. p. 19.
[7]Ibid.
[8] Alev COMERT, op. cit., p. 11.
[9] Cass. crim. fr., jeudi 24 septembre 1998, pourvoi n° : 97-81748.
[10] Cass. crim. fr., mercredi 28 juin 2017, pourvoi n° : 16-81110.
[11] Alev COMERT, op. cit., p. 117.
[12] Cass. crim. fr., 8 décembre 2015, pourvoi n° : 14-85511.
[13] Abdelouahed EL ALAMI, op. cit., pp. 91-92.
[14] Mostapha MAJDI HARJA, op. cit., p. 23.
[15] Ahmed EL KHAMLICHI, Droit pénal spécial, Tom II, Al Maarif, Rabat, 1982, p. 389.
[16] Alev COMERT, op. cit., p. 123.
[17] Le dictionnaire Larousse 2014 V. : www.larousse.frconsulté le [28/07/2017]
[18] Cass. crim. fr., jeudi 18 juillet 1968, pourvoi n° : 67-91361.
[19] Cass. crim. fr., mercredi 11 octobre 1989, pourvoi n° : 87-83664.
[20] Jacques-Henri ROBERT ; Haritini MATSOPOULOU, op. cit., p. 45.
[21] André VITU, Traité de droit pénal spécial, Tome II, éd. Cujas, Paris, 1982, p. 102.
[22]Ibid. p. 103.
[23] Cass. crim. fr., 24 avril 1984, pourvoi n° : 83-90752.
[24] Cass. crim. fr., 22 mars 1978, pourvoi n° : 77-92627.
[25] Cass. crim. fr., 16 mars 1976, pourvoi n° : 75-90306.
[26] Cass. crim. fr., 16 mars 1970, pourvoi n° : 68-90226.
[27] Cass. crim. fr., 3 juin 1985, pourvoi n° : 83-95073.
[28] Cass. crim. fr., 25 mars 2014, pourvoi n° : 13-13268.
[29] Cass. crim. fr., 16 novembre 1995, pourvoi n° : 94-84725.
[30] Cass. crim. fr., 19 octobre 1987, pourvoi n° : 85-94605.
[31] Cass. crim. fr., 13 mai 1991, pourvoi n° : 90-83520.
[32] Cass. com. fr., 26 mai 2009, pourvoi n° : 08-15980.
[33] Yves MAYAUD, op. cit., p. 30.
[34] L’art. 354 prévoit que : « Est punie de la réclusion de dix à vingt ans, toute personne autre que celles désignées à l'article précédent qui commet un faux en écriture authentique et publique : soit par contrefaçon ou altération d'écriture ou de signature ; soit par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges ou par leur insertion ultérieure dans ces actes ; soit par addition, omission ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que ces actes avaient pour objet de recevoir et de constater ; soit par supposition ou substitution de personnes ».

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